Et si le 1er homme sur Mars était une femme ?

En 2019, six élèves de l’ISAE-SUPAERO s’envoleront pour la Mars Desert Research Station (MDRS)

Depuis le 23 février et jusqu’au 17 mars 2019, six élèves de l’ISAE-SUPAERO se sont envolés pour la Mars Desert Research Station (MDRS) située dans le désert de l’Utah. C’est dans cet environnement désertique, géologiquement proche de celui de la planète Mars, que l’équipage étudiant – et avec une étudiante – sera confronté à une période de confinement et d’isolement. L’occasion de s’interroger sur la place des femmes dans l’aérospatiale mais aussi pour l’ISAE-SUPAERO de marquer son engagement en faveur de l’égalité femmes-hommes. Et si le 1er homme sur Mars était une femme ?

Pour la 5e année consécutive un équipage composé d’élèves de l’ISAE-SUPAERO est sélectionné par l’association américaine « Mars Society » pour participer à ces missions analogues. À bord d’un habitacle, l’équipage a pour mission de développer des connaissances scientifiques pour l’exploration humaine de Mars.

Les femmes et la conquête spatiale

Si les noms de Neil Armstrong, de Youri Gagarine ou beaucoup plus récemment de Thomas Pesquet viennent spontanément à l’esprit dès lors que l’on parle d’espace, il semble plus difficile de citer le nom d’une femme. Pourtant, elles ont elles aussi joué un rôle de premier plan dans l’aérospatiale.

Qui se souvient aujourd’hui, hormis les experts du secteur, que Claudie Haigneré fut la 1re spationaute française… en 1996 ?La 1re Française, oui, mais loin d’être la 1re femme dans l’espace !

Valentina Terechkova, la pionnière de l’espace

La Soviétique Valentina Terechkova est la première femme à avoir volé dans l'espace en 1963
Valentina Terechkova, 1re femme dans l’espace en 1963

En effet, cet honneur revient à la cosmonaute soviétique, Valentina Terechkova, qui, entre le 16 et le 19 juin 1963, a réalisé pas moins de 48 orbites autour de la Terre pour une durée de 70 heures et 41 minutes. Une prouesse qu’elle a effectuée seule à bord de son vaisseau. Elle reste aujourd’hui encore la plus jeune cosmonaute de l’histoire, elle avait 26 ans, et la seule femme à avoir volé seule dans l’espace.

Mais heureusement depuis, d’autres ont suivi ses traces et embarqué à bord de nombreuses missions spatiales. Toutefois, il faudra attendre 19 ans et août 1982 avant que les Soviétiques n’envoient une 2e femme dans l’espace, Svetlana Savitskaya. En juillet 1984, elle sera également la 1re femme à effectuer une sortie extravéhiculaire.

Christa McAuliffe, la 1re institutrice dans l’espace était Américaine

Puis enfin, les Américains à leur tour sélectionnent une femme astronaute le 18 juin 1983 : Sally Ride devient ainsi la première Américaine à faire partie d’un équipage d’astronautes à bord de Challenger.

Une navette rendue tristement célèbre 3 ans plus tard lorsque, le 28 janvier 1986, elle explose sous les yeux de millions de téléspectateurs et de milliers de spectateurs avec à son bord 7 astronautes dont 2 femmes. Parmi elles, Christa McAuliffe, la 1re enseignante à effectuer un vol dans l’espace.

Pour autant, ce drame n’a pas empêché d’autres femmes de s’envoler vers les étoiles dont :

  • La première Japonaise spationaute Chiaki Mukai en 1994
  • Eileen Collins, ex-pilote de chasse, devient la première femme à piloter une navette spatiale,Discovery, en 1995
  • Liu Yang, la 1re taïkonaute chinoise et 56e femme à être allée dans l’espace en juin 2012

Aujourd’hui, la NASA reste l’agence spatiale avec le plus fort taux de spationautes féminines. L’agence spatiale européenne (ESA) ne compte elle qu’une seule femme parmi ses 14 spationautes, Samantha Cristoforetti d’origine italienne, âgée de 35 ans et recrutée en 2009.

Les records de Sunita Williams
Sunita Williams, astronaute américaineParmi ces « femmes de l’espace », l’astronaute américaine Sunita Williams a établi à elle seule 3 records :
– Celui du plus long séjour passé dans l’espace : 195 jours entre décembre 2006 et juin 2007
– Celui du plus grand nombre de sorties dans l’espace : 4
– Celui du temps le plus long passé en sortie dans l’espace : 29 heures et 17 minutes

De l’ombre de la NASA à l’ombre de la Lune ?

Mais la conquête spatiale ne commence pas à bord d’une fusée ou d’une navette. Non, elle a débuté bien avant dans les bureaux de la NASA et du programme soviétique, conçue par des ingénieur.e.s, des scientifiques, des physicien.nes, des mathématicien.nes, des pilotes d’essai… qui par leurs recherches et leurs expérimentations ont permis d’envoyer des hommes, et donc aussi quelques femmes, un peu plus près des étoiles.

Les femmes ont envoyé les hommes dans l’espace

Et parmi ces « figures de l’ombre, l’histoire a très souvent (et trop longtemps) oublié que là aussi, les femmes ont joué les 1ers rôles. Le terme « Figures de l’ombre » est bien entendu employé volontairement en référence au (très beau) film de Théodore Melfi en 2016.

Katherine Johnson, super calculatrice de la NASA
La mathématicienne Katherine Johnson

Basé sur une histoire vraie, le film (que j’ai personnellement beaucoup aimé car très bien interprété et réalisé, mais ce n’est que mon avis) relate l’histoire de ces femmes noires américaines qui ont activement contribué aux programmes aéronautiques et spatiaux de la NASA. Parmi elles, la mathématicienne et pro(dige) des calculs Katherine Johnson, l’ingénieure Mary Jackson et l’informaticienne Dorothy Vaughan.

Si le film se focalise sur 3 d’entre elles, elles sont ainsi nombreuses à avoir pris part au programme spatial de la NACA – National Advisory Committee for Aeronotics -, l’ancêtre de la NASA, notamment en tant que « calculatrices humaines » :

  • Katherine Johnson a notamment calculé les trajectoires du programme Mercury et de la mission Apollo 11 vers la Lune en 1969 au sein de la NACA qu’elle avait rejoint en 1953. Ses capacités de calculs étaient telles que John Glenn, le premier Américain à avoir effectué un vol orbital autour de la Terre en 1962, dira d’elle et de ses calculs de trajectoire quelques jours avant son 1er vol : « Si elle dit qu’ils sont bons, alors je suis prêt à partir. » Les ingénieurs de la NASA avaient plus confiance en ses calculs qu’en ceux de leur super-ordinateur IBM.
  • Mary Jackson, diplômée en mathématique et physique, a quant à elle rejoint la NACA en 1951 au sein de l’unité d’informatique puis celle d’ingénierie… alors qu’en tant que femme noire, elle ne pouvait prétendre au diplôme d’ingénieure. Son combat ne s’est donc pas limité à la sphère spatiale mais aussi sociale: elle est ainsi devenue la première ingénieure noire de la NASA en 1958 et publie la même année les premiers résultats de ses recherches intitulés Effects of Nose Angle and Mach Number on Transition on Cones at Supersonic Speeds. Ses travaux sur la soufflerie et le vol à vitesse supersonique ont permis d’analyser les efforts aérodynamiques comme la poussée ou la traînée.
  • Dorothy Vaughan est une pionnière en matière d’informatique. Entrée à la NACA en tant que professeure de mathématiques, elle dirige ’aile ouest de l’unité d’informatique de 1949 à 1958. 1re femme manager noire de l’agence, elle apprend le langage de programmation FORTRAN dès l’arrivée des premiers ordinateurs devançant ainsi la transition inévitable. Son travail sur le programme de lanceur Scout a contribué au programme spatial.

Betty Skelton, pionnière de l’aéronautique

Betty Skelton pour le magazine Look en 1960
Betty Skelton pour le magazine Look en 1960

Betty Skelton (1926-2011) est la première femme à avoir été engagée comme pilote d’essais dans l’industrie automobile et porte-parole de la Chevrolet. En 1959, elle est également la première femme à se soumettre aux mêmes tests physiques et psychologiques que les 7 astronautes Mercury de la NASA.

1er vol solo à 12 ans, licence de pilotage à 16 ans… Betty Skelton est avant-tout un as de l’aviation et notamment de vol acrobatique. Une pilote aussi douée dans les airs que sur terre qui s’est également illustrée dans les courses automobiles.

Ses qualités de pilote lui ont ainsi permis d’intégrer les tests de la NASA en 1959 et lui ont valu la couverture du magazine Look à cet effet l’année suivante. Si sa personnalité et ses qualités de pilote n’ont pas manqué d’impressionner les astronautes, Betty Skelton ne réalisera jamais son rêve de devenir pilote pour l’US Navy, un métier alors réservé aux hommes. Depuis, elle a été honorée en tant que « pionnière » par de nombreux Hall of Fame dont ceux de Women in Aviation, International Aerobatic Club, National Aviation, Motorsports of America et NASCAR International Automotive.

Elle a ainsi montré que les femmes pouvaient faire aussi bien et même mieux que les hommes, et ouvert la voie aux femmes pilotes, notamment aux femmes dans l’aérospatial.

Bientôt une femme sur Mars ?

Si l’homme a marché sur la Lune (et uniquement des hommes), verra-t-on alors une femme marcher sur Mars et pourquoi pas y poser le 1er pas ? L’espoir est permis car le secteur l’aérospatial se veut de plus en plus inclusif.

À l’image de la NASA qui multiplie les initiatives pour attirer plus de femmes notamment avec son programme STEM qui sensibilise les jeunes générations, et surtout les jeunes filles, aux métiers de l’aérospatial afin de susciter des vocations. Avec un message fort adressé aux femmes : avec une bonne éducation et un entraînement adapté, nous pouvons toutes filer droit vers le cosmos.

Les femmes ne représentent que 11% des êtres humains à s’être rendus dans l’Espace.

Les femmes sont aujourd’hui complètement intégrées aux programmes et même incitées à postuler ce qui permet d’envisager un équipage mixte pour une 1re mission sur Mars et pourquoi pas de voir une femme poser le pied sur la planète rouge. Et s’il s’agissait d’une Française ? En France, l’aérospatiale veut aussi recruter plus de femmes à l’image de l’ISAE-SUPAERO engagée en faveur de l’égalité femmes-hommes.

Les missions MDRS pour préparer un voyage sur Mars

Mission MDRS organisée par la Mars Society

À l’initiative de l’association américaine Mars Society, les missions MDRS – Mars Desert Research Station – permettent depuis 2010 à des scientifiques, des étudiants et des ingénieurs de tester du matériel destiné à l’industrie aérospatiale (robots, prototypes de scaphandres, etc.), et de mener des expériences de facteurs humains avec l’aide du département DCAS (Département de conception et conduite des véhicules aérospatiaux) de l’ISAE-SUPAERO.

L’aspect réaliste de ces simulations est particulièrement important. En effet, l’intérêt est de plonger les équipages dans les mêmes conditions, de les confronter aux mêmes difficultés que celles auxquelles des astronautes effectivement implantés sur Mars devront faire face.

Ainsi, les sorties pour effectuer des expériences hors de la base ne peuvent être effectuées qu’en scaphandre : les communications avec les personnes restées sur « Terre » subissent un délai de plusieurs minutes, pour simuler les effets d’un éloignement de 400 millions de kilomètres. Le retour d’expérience et l’amélioration des protocoles expérimentaux d’année en année donnent une réelle crédibilité à la mission des étudiants.

Objectif : développer les connaissances scientifiques nécessaires à l’exploration humaine de la planète rouge.

Un équipage aux missions bien définies

Après quatre missions couronnées de succès, six étudiants de 2e et 3e année d’ingénieur, dont 1 étudiante, sont partis en février à bord d’un habitacle afin de réaliser des expériences technologiques, scientifiques et humaines.

Jérémy Auclair, commandant de la mission, aura ainsi la charge de poursuivre deux expériences débutées l’année dernière. L’une, menée avec son partenaire le Laboratoire de Physique et de Chimie de l’Environnement et de l’Espace (LPC2E) du CNRS à Orléans, portera sur le comptage des particules fines et de leur typologie afin de déterminer la composition de l’atmosphère martienne.

La seconde expérience, déjà expérimentée durant les missions ARES-III en Pologne à l’été 2018 et la mission MDRS 189 en février/mars 2018, s’intéressera aux effets du confinement et de l’isolement sur les capacités des astronautes.

L’équipage mènera également en parallèle une dizaine d’autres expériences :

  • Mise en place d’une station météo développée en partenariat avec le LPC2E, pour le suivi météorologique sur place, auparavant assuré par un aéroport à proximité
  • Tests sur les combinaisons dans le cas de sorties extra-véhiculaires
  • Influence de la musique sur la pousse des plantes
  • Expérience Aquapad, en partenariat avec BioMérieux et le CNES, visant à mesurer la qualité microbiologique de l’eau. L’objectif est de contrôler la qualité de l’eau fournie et de proposer des solutions de filtrage ou recyclage au besoin.
  • La réalité virtuelle comme solution aux effets de l’isolement et du confinement
  • Effets du confinement et de l’isolement sur la qualité du sommeil.

Pour cela, les Marsonautes embarqueront avec eux le fameux bandeau connecté Dreem, développé par deux alumni de l’ISAE-SUPAERO.

Une ingénieure de l’ISAE-SUPAERO dans l’équipage MDRS

Cette année, l’équipage 206 a donc débuté l’aventure le 23 février et terminera ses expériences le 17 mars prochain. Parmi les 6 membres de l’équipage 206, 1 jeune femme, Cerise Cuny, 21 ans. Qui sait, peut-être la 1re femme à s’envoler pour Mars ?

Chaque membre de l’équipage occupera un poste bien spécifique :

Jérémy Auclair, Commandant de l’équipage et vétéran du club MARS de l’ISAE-SUPAEROJérémy Auclair, 22 ans – 2e mission MDRS

Commandant de l’équipage et vétéran du club MARS de l’ISAE-SUPAERO, Jérémy aura la responsabilité du bon déroulement de la mission et de la formation de l’équipage.

 

Aurélien Mure, Commandant en second et astronome. Président actuel du club Mars à l’ISAE-SUPAERO.Aurélien Mure, 21 ans

Commandant en second et astronome.

Président actuel du club Mars à l’ISAE-SUPAERO.

 

Benjamin Auzou, journaliste de la mission MDRSBenjamin Auzou, 21 ans

Journaliste.

Benjamin aura la charge de rédiger les rapports quotidiens afin de permettre au mission control et au grand public de suivre la mission.

Cerise Cuny, biologiste au sein de la mission MDRSCerise Cuny, 21 ans

Biologiste.

Cerise participera au suivi microbiologique de l’eau bue pendant la mission. Responsable santé et sécurité, elle s’assurera du bon fonctionnement du matériel médical et des dispositifs d’urgence afin de pouvoir intervenir le plus efficacement possible en cas de besoin.

Norbert Pouzin, botaniste au sein de la mission MDRSNorbert Pouzin – 21 ans

Botaniste.

Norbert a la responsabilité de la serre et de son bon fonctionnement. En charge de l’étude de la résistance des plantes aux radiations martiennes et analyse du sommeil de l’équipage et de l’influence de la mission sur ce dernier grâce au bandeau Dreem.

Gaspard Thieulin, ingénieur de bord au sein de la mission MDRSGaspard Thieulin, 20 ans

Ingénieur de bord.

Gaspard s’assurera de l’état et du bon fonctionnement de la station.

 

En attendant leur retour sur terre mais surtout le 1er voyage sur Mars, vous pouvez suivre leur aventure sur leur compte Twitter : @MDRSSupaeroCrew

Consultez le Journal de bord – Mission Simulation de Vie Martienne -JOUR 1

Une affaire à suivre donc mais qui nécessite encore un peu de patience. En effet, si Elon Musk, le « papa » de la fusée SpaceX, souhaite organiser un 1er voyage vers Mars en 2024, la NASA envisage le projet pour la décennie 2030. Une « date » qui semble beaucoup plus réaliste et qui nous laisse encore le temps de rêver !

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