Hommage à Maryam Mirzakhani, première femme récompensée par la médaille Fields

Professor Maryam Mirzakhani is the recipient of the 2014 Fields Medal, the top honor in mathematics. She is the first woman in the prize’s 80-year history to earn the distinction.

Il y a des nouvelles qui vous bouleversent. Celle de l’annonce de la mort de Maryam Mirzakhani, survenue le 15 juillet dernier, en fait partie. Son nom ne vous dit peut-être rien mais le monde des sciences vient de perdre une de ses plus grandes représentantes emportée par un cancer à l’âge de 40 ans. Hommage à Maryam Mirzakhani, première femme récompensée par la médaille Fields.

Quelques jours après le décès de Simone Veil, le monde vient de perdre une autre très grande et très belle femme. Elle n’était peut-être pas connue du grand public, notamment en France. Pourtant, elle a marqué de son empreinte le monde des sciences et plus particulièrement celui des mathématiques. Je l’avais moi-même découvert il y a 2 ans, un peu par hasard. J’avais alors été bluffée par cette jeune femme et son parcours, et lui avais consacré un 1er portrait sur ce même blog. Voilà pourquoi il me semblait impossible de ne pas rendre hommage à Maryam Mirzakhani, première femme récompensée par la médaille Fields.

1re et seule femme médaillée Fields

La médaille Fields, qu’est-ce que c’est ? Pour résumer, c’est l’équivalent du prix Nobel pour les mathématiciens. Et la France est l’un des pays les plus récompensés dans ce domaine… mais pas les femmes !

Voilà pourquoi la récompense reçue par Maryam Mirzakhani est d’autant plus remarquable. Cette Iranienne d’origine est en effet la 1re et la seule à ce jour à l’avoir reçue… en 2014 (année qui l’avait vue récompenser également du prix de la recherche de l’Institut Clay). Et comme la médaille n’est décernée que tous les 4 ans, il faudra attendre 2018 pour espérer voir une autre femme recevoir un tel honneur.

Mais au-delà du prestige de ce titre, c’est surtout le parcours de cette jeune femme qui est remarquable. Iranienne, elle participe aux Olympiades internationales de mathématiques à 17 ans où elle remporte une 1re médaille… d’or ! Et bis repetita l’année suivante où elle réalise un sans faute avec 42 points sur 42 !

Un succès qui lui ouvre les portes de l’université à Téhéran puis celle de la prestigieuse université d’Harvard où elle rédige sa thèse. Suivront ensuite les non moins prestigieuses universités de Princeton puis de Standford où elle enseignait depuis 2008.

Mon hommage à Maryam Mirzakhani

Parmi les nombreux portraits que j’ai été amenés à rédiger pour ce blog ou pour la presse, celui de Maryam Mirzakhani est sans nul doute celui m’avait le plus marqué. Pourtant, je ne l’ai jamais rencontrée. Mais il se dégageait de cette jeune femme une force incroyable mais aussi une grande douceur. Et puis, nous avons le même âge. Ça rapproche un peu. Mais il m’a surtout donné l’opportunité de m’intéresser à l’Iran, un pays méconnu, qui peut faire peur aussi, mais à la culture et à l’ouverture incroyables.

Mes recherches sur son parcours m’avaient alors fait découvrir un pays à la culture très riche mais surtout dans lequel les femmes occupent une place très différente des pays voisins. L’accès des jeunes femmes à l’éducation est y est réel : d’ici 2020, plus de 70 % des femmes devraient même être diplômées de l’université en Iran, et elles sont même déjà plus nombreuses que les étudiants !

L’émancipation par les études… le surf et le skate !

Un vrai choc qui m’a permis de m’ouvrir l’esprit et de sortir des préjugés qui, avouons-le, sont l’apanage de nombre d’entre nous ! Je me suis alors souvenue de certains articles que j’avais lu ci et là sur l’émancipation de la femme iranienne par… le skate-board ! Et aussi de cette jeune Française surprenante qui, sur les planches d’un TEDx Women en 2015, racontait comment elle avait créé en Iran le 1er… spot de surf !

De là aussi est née l’envie de visiter le pays pour me rendre compte de moi-même de ce qu’il en est. l’occasion d’un futur article Alors rien que pour m’avoir permis de m’enrichir et d’être plus ouverte sur la condition des femmes dans le monde, un grand merci Maryam Mirzakhani !

L’Iran lève le voile sur la « reine des mathématiques »

Et je ne suis pas la seule à le penser. La presse iranienne, pourtant conservatrice, a rendu un vibrant hommage à la « reine des mathématiques », dans les journaux mais aussi sur les réseaux sociaux.

Un hommage unanime qui les a poussés à publier des photos d’elle sans son voile ! Un fait extrêmement rare qui témoigne de son impact dans son pays. Pour information, les Iraniennes résidant à l’étranger se montrant en public sans voile risque aussi des représailles si elles reviennent dans leur pays d’origine.

Espérons qu’elle suscitera des vocations. La prochaine femme médaille Fields sera peut-être elle aussi Iranienne.

Une pionnière des mathématiques

Au-delà de son parcours brillant, Maryam Mirzakhani apparaît comme une pionnière. Non pas qu’elle soit la 1re femme mathématicienne, mais force est de constater que le secteur manque cruellement d’une représentativité féminine.

Car oui, les femmes aiment les maths. Oui, elles sont tout autant capables que les hommes. Mais non, on le ne dit pas assez ! Elles passent souvent aux oubliettes alors que certaines d’entre elles ont considérablement fait avancer les maths. Certaines ont même influencé certains mathématiciens reconnus aujourd’hui comme des génies.

Ainsi, en 2015, on comptait en France selon Femmes et Mathématiques (mais les chiffres sont à peu près les mêmes dans le monde) :

  • 18 % de femmes maîtres de conférence en mathématiques fondamentales
  • 6 % de femmes professeurs d’université en mathématiques fondamentales
  • 13,6 % d’étudiantes en mathématiques pures (soit la discipline universitaire la moins féminisée)
  • 27 % d’étudiantes en mathématiques appliquées (soit la 10e discipline universitaire la moins féminisée)
  • 17 %  de femmes chargés de recherche et directrices de recherche au CNRS
  • Pourtant, elles représentent 46,6 % des élèves inscrit-e-s en Terminale S (chiffres 2014). Mieux, en classe de 3e, 80,5 % des filles maîtrisent les mathématiques contre 76.2 % des garçons.

Alors pourquoi un tel écart ensuite ? Parce que moins de bachelières optent pour des études de sciences. Et parmi les jeunes femmes scientifiques, la biologie reste privilégiée fortement. Donc difficile de promouvoir des professeures ou des directrices de recherche si les étudiantes boudent les bancs de la fac de maths !

Des initiatives telles que la Marche des Sciences en avril dernier et les interventions de nombreuses femmes de sciences dans les collèges et lycées pourraient y remédier.

Après tout, peut-être êtes-vous la future Maryam Mirzakhani ?

Quand les femmes et les maths dont bon ménage
Ces dernières années, les initiatives en faveur de la féminisation des mathématiques se sont multipliées à l’image des associations ou sites web dédiés au sujet. Parmi eux :

L’occasion de (re)découvrir l’histoire incroyable de certaines d’entre elle. Saviez-vous par exemple que la conquête spatiale américaine était en grande partie due à 80 mathématiciennes et physiciennes volontairement laissées dans l’ombre parce que noires ?