Quelle est la place des femmes en Amérique latine ?

2e étape de notre périple en Amérique Centrale et en Amérique du Sud. Dans la 1re partie de cet article, je vous faisais découvrir la place des femmes au Panama. Aujourd’hui, le voyage se poursuit sur le reste du continent sud-américain en apportant une vision plus large de la situation de la femme.  Une situation complexe mais de plus en plus mise en lumière par des textes de lois ou des œuvres culturelles. Quelle est la place des femmes en Amérique latine ? Difficile !

Au Costa Rica, au début des années 2010, on comptait en moyenne 222 cas de violence conjugale ou sexiste par jour. Le nombre de fémicides y est lui aussi en forte augmentation depuis ces 30 dernières années, et ce malgré les programmes de soutien et de prévention pour les enfants, les jeunes et les femmes mis en place par le gouvernement et les ONG.

Costa Rica et Panama s’unissent pour lutter pour les droits des femmes

Le problème : la lenteur du processus judiciaire et la protection des plaignants qui ralentissent les condamnations et amoindrissent les effets des mesures en place. Néanmoins, le Panama a adopté en octobre 2013 une loi criminalisant la violence faite aux femmes.

Face à ce constat, les ambassades au Costa Rica et au Panama ont décidé d’unir leurs forces pour défendre ensemble les droits des femmes.

En réponse, les 2 ambassades ont uni leurs efforts et invité la cinéaste colombo-irlando-américaine Kimberly Bautista à présenter dans ces deux pays son documentaire Justice for my Sister (Justice pour ma sœur).

Primé à de nombreux festivals, il raconte l’histoire vraie d’une jeune Guatémaltèque de 27 ans battue à mort par son compagnon et dont le corps a été abandonné sur le bas-côté d’une route. Un cas parmi d’autres qui témoigne de la situation dramatique de la condition des femmes dans la région d’Amérique Centrale.

Le Panama, 47e pays pour l’égalité femmes – hommes
Le rapport annuel 2016 du Forum économique mondial, The Global Gender Gap Report 2016, classe ainsi le Panama en 47e position en matière d’égalité entre les femmes et les hommes. Le Coste Rica, 1er pays de la zone, se classe quant à lui en 32e position. La France est, elle, 17e.

Une histoire qui m’en rappelle une autre : de retour du Panama, je conseille vivement à 2 amies de visiter le Pays. 2 mois après, elles en reviennent elles aussi enchantées… mais quelque peu traumatisée par le viol et la mort violente d’une jeune touriste américaine à Bocas del Toro, archipel paradisiaque au nord-est du pays que j’avais visité et très apprécié. Les coupables courent toujours !

Viel homme au Panama
L’Amérique latine, une société encore fortement patriarcale – © Violaine Cherrier

L’Amérique latine, zone de violences faites aux femmes

Si le Panama apparaît comme un pays sûr et assez respectueux des droits des femmes, c’est aussi parce qu’il se situe dans une zone dangereuse entre le Nord de l’Amérique du Sud et le Sud de l’Amérique du Nord. C’est bon, vous me suivez toujours ? 😉

Ainsi, au Guatemala, 6 000 femmes ont été tuées ces 10 dernières années… mais seuls 2 % des meurtriers ont été condamnés ! La Banque Inter-américaine de Développement qualifie de « continent le plus violent du monde » l’Amérique du Sud (et Centrale).

Continent le plus violent du monde
L’Amérique du Sud compte seulement 9 % de la population mondiale… mais aussi un tiers des homicides.

 

En conséquence, le terme fémicide est intégré dans les codes pénaux des 16 pays de la zone… alors qu’il n’existe pas dans le dictionnaire. L’Observatoire Citoyen National du Féminicide (OCNF) du Mexique définit alors le terme « fémicide » comme « l’assassinat de femmes par des hommes, au seul prétexte qu’elles sont des femmes et que, par misogynie et sexisme, ils se sentent supérieurs et maîtres de leur vie ».

Ce qu’en dit Amnesty International

Peut-être que ce petit garçon panaméen pourra grandir dans une société moins violente vis-à-vis des femmes – © Violaine Cherrier

Amnesty International n’hésite pas à rappeler que « la violence de genre en Amérique latine a acquis le statut de “violence institutionnelle” envers les femmes ». En 2016, selon la Commission Économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (la CEPAL), 20 pays ont voté des lois sur la violence à l’égard des femmes. Toutefois, seuls 8 (40 %) d’entre eux allouent des budgets suffisants pour leur application.

À noter que 14 pays reconnaissent le délit de féminicide : Bolivie, Brésil, Chili, Colombie, Costa Rica, Équateur, Salvador, Guatemala, Honduras, Mexique, Nicaragua, Panama, Pérou et République Dominicaine.

L’Argentine et le Venezuela, eux, parlent d’homicide aggravé pour des raisons de genre dans leur législation.

Alors quelle sera la place des femmes en Amérique latine dans la société de demain ? Si les États semblent prendre conscience de l’importance des violences faites aux femmes, la situation peine à changer et le chemin semble encore (très) long avant que les femmes puissent se sentir en sécurité dans la zone. Mais si la solution venait des femmes elles-mêmes ? 😉