Covid-19 : les femmes, principales victimes de la crise ?

Les femmes en arrière ligne pendant la guerre

Depuis le 17 mars, la France est entrée en confinement pour lutter contre la pandémie de Covid-19. Depuis 3 semaines, plus de 5 millions de personnes ont été mises au chômage partiel faute de travail. Malgré les aides promises par l’État, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, a annoncé la pire récession de notre histoire depuis 1945. Le Président de la République parle quant à lui de guerre. Une guerre dans laquelle les femmes sont engagées en première ligne… mais qu’elles risquent en revanche de perdre lourdement sur les lignes arrière. En effet, au-delà des pertes humaines, les femmes seront les premières et les principales « victimes » de la crise. Et la situation liée au Covid-19 ne fera pas exception… à moins que nous ne fassions bouger les lignes !

S’il est quasiment acquis qu’il y aura bien un « avant » et un « après » Covid-19, les cartes seront-elles équitablement rebattues ?  Le monde sera-t-il vraiment plus solidaire, plus humaniste et plus inclusif ? Rien n’est moins sûr. Et dans ce monde de demain qui n’en est encore qu’au stade de l’hypothèse, quelle place occuperont les femmes ?

Bien qu’elles soient aujourd’hui véritablement montées au front face au virus, elles n’en risquent pas moins, demain, d’être les principales laissées-pour-compte de cette société en devenir après en avoir pourtant été les grandes artisanes.

Le Covid-19 est-il sexiste ?

Premier constat pour le moins étonnant : le coronavirus semble sexiste et même, fait encore plus étonnant, misandre ! En effet, les femmes semblent moins « touchées » par le Covid-19 même si ce fait reste à prouver scientifiquement. Ainsi, selon les chiffres publiés par Santé publique France fin mars, trois fois plus d’hommes que de femmes étaient en services de réanimation.  Une « inégalité » que l’on peut également observer au niveau du nombre de personnes atteintes (même sans gravité) et de décès.

Quelle que soit la tranche d’âge et quel que soit le pays, le même constat est observé dans des proportions similaires : en Chine, en Italie, en France… Les hommes représentent ainsi près de 70% des personnes admises en réanimation et environ 60 % des décès.

Femmes et hommes inégaux face au virus

Selon les chercheurs du Centre chinois de contrôle et de prévention des maladies (CCDC), le taux de létalité chez les hommes est de 2,8 %, contre 1,7 % chez les femmes (à noter néanmoins que ce chiffre ne tient pas compte des morts en Ehpad en France). Une « immunité » au virus qui serait liée, entre autres, aux hormones féminines (l’œstrogène en particulier) et aux gènes.

Des chiffres qui semblent donc plutôt faire des hommes les premières victimes du Covid-19. D’un point de vue médical, peut-être. Mais d’un point de vue économique, non. Pourquoi ? Parce que les femmes constituent la majeure partie des effectifs soignants en première ligne face au virus dans les établissements de santé, mais aussi dans certaines structures restées ouvertes. Des fonctions qui, hormis pour les médecins, restent souvent précaires et surtout sous-payées faisant de ces nouvelles héroïnes les prochaines « victimes » de cette crise.

Le paradoxe du virus

Infirmières, aides soignantes, personnels en EHPAD, professions paramédicales, mais aussi médecins en hôpital… Les femmes exercent ainsi, parfois dans une très large majorité, de nombreuses fonctions directement placées aux premières loges face à la maladie.

Ainsi, en 2019, voici quel était le taux de féminisation des métiers de la santé (selon la DREES) :

  • Infirmière : 86,6%
  • Médecins hospitaliers : 53,4%
  • Aides-soignantes : 91%
  • Professions paramédicales : 79%
  • Personnels en EHPAD : 90%

Et ce, sans oublier d’autres fonctions non médicales et souvent très féminisées qui participent elles aussi activement à maintenir l’activité à flot durant cette crise telles que les caissières, les personnels en crèche, les enseignantes en maternelle et en primaire, etc.

Parmi le million de personnes qui composent la fonction publique hospitalière, 78 % sont des femmes.

Un ratio qui grimpe même à 90 % pour les infirmières et les aides-soignantes.

Bref, face au coronavirus, les femmes sont donc parmi les plus exposées (bien entendu, elles ne sont pas les seules et certaines professions toujours en activité – livreurs, chauffeurs routiers, éboueurs…- sont quant à elles fortement masculinisées), et risquent parfois leur vie ou leur santé. Malheureusement, elles seront également, demain, parmi les premières à subir l’après-crise.

De la crise sanitaire à la crise économique

La raison ? La France, comme le reste du monde, s’attend à une crise économique sans nul pareil. Certains la comparent déjà à celle de 1929, d’autres à la sortie de la seconde guerre mondiale. En comparaison, la crise des subprimes de 2008 fait pâle figure. Or, historiquement, les populations les plus faibles et les plus fragiles, sont toujours les premières victimes des crises comme des guerres. Et parmi elles : les femmes, les enfants, les personnes âgées…

Or, comme nous l’avons vu précédemment, non seulement les femmes exercent majoritairement des métiers moins payés et, de plus, elles ne jouent qu’un rôle secondaire aujourd’hui dans l’économie mondiale (y compris en France).

En témoignent les salaires des métiers (dont certains fortement féminisés) en première ligne face au COVID-19 publiés par Statista

Salaires des métiers face au corona virus

Des personnes qui, très souvent (pour ne pas dire tout le temps), ne comptent pas leurs heures sup. Des heures supplémentaires rarement payées les plongeant encore plus dans un certain état de fragilité. Résultat : lorsque la crise sanitaire sera enfin derrière nous, succès dans lequel les femmes auront joué les premiers rôles, et que viendra l’heure de la crise économique, les femmes là aussi risquent de conserver leur première place… parmi les catégories les plus touchées !

Les femmes majoritaires dans des secteurs moins rémunérés

Au-delà des inégalités salariales, les femmes sont davantage concernées par l’emploi à temps partiel ou les emplois moins valorisés :

44,8 % des emplois féminins sont concentrés dans quelques secteurs peu rémunérateurs, comme l’administration publique, la santé, l’enseignement ou l’action sociale.

De même, lorsqu’elles sont entrepreneures ou dirigeantes, les femmes ont davantage tendance à exercer au sein de micro ou de petites entreprises, plus fragiles en cas de crise. Elles travaillent ainsi le plus souvent :

  • 29 % des micro-entreprises gérées par des femmes sont dans le secteur du soutien aux entreprises (conseil)
  • 25 % dans les services aux ménages
  • 20 % dans le secteur du commerce
  • 12 % dans le secteur de l’enseignement, du social et de la santé
  • 6 % dans l’Industrie
  • 2,5 % dans l’information et la communication
  • 2,5 % dans la restauration
  • 1 % dans la construction

En revanche, si elle ne cesse de croître, la place des femmes dirigeantes au sein de grandes entreprises reste faible. Et ce n’est pas la récente éviction d’Isabelle Kocher de la tête d’Engie qui contredira cette réalité.

En conséquence, les femmes restent beaucoup plus fragiles d’un point de vue économique, sans compter le fait qu’elles sont quasi absentes des grandes instances décisionnelles en la matière, Christine Lagarde faisant figure d’exception en tant qu’ex-directrice générale du Fonds Monétaire International (FMI) et actuelle présidente de la Banque Centrale Européenne (BCE). Quel poids auront-elles alors demain lorsqu’il s’agira de tout reconstruire ?

Prendre soin de nos soignant.e.s

Voilà où se situe le paradoxe du virus : celles qui participent à sa lutte en seront également les premières victimes une fois la maladie vaincue et la guerre terminée. Alors que ces dernières années, de nombreux mouvements en faveur des droits des femmes, et de multiples actions pour tendre vers plus d’égalité et de parité ont vu le jour (ainsi que leurs premiers résultats), le monde de demain risque de redevenir celui d’hier. Un monde partial et partiel, privilégiant la moitié de l’humanité et privant l’autre des premiers rôles.

En tant qu’indépendante, je risque d’ailleurs de faire partie de cette partie-là. Certes, l’aide annoncée de 1 500 euros (sous conditions) permettra de tenir le temps du confinement mais après ? Qu’en sera-t-il lorsque les entreprises tarderont à redémarrer, les clients à consommer, les comptes à se régler ? Malgré les promesses du gouvernement, pour certain.e.s, ce sera un licenciement pur et simple. Pour d’autres, ce sera au mieux de la survie et au pire une faillite.

Et que dire de nos soignant.e.s qui, lessivées, agacées et épuisées, reprendront tant bien que mal leur quotidien avec des moyens limités et des heures sup non payées ?

Les dispositifs d’aide aux femmes entrepreneures

Voilà pourquoi nous devons tous et toutes ensemble nous lever dès aujourd’hui afin de préparer demain et participer activement à cette société en devenir..Une sexiste du Parisien 5 avril 2020

Le risque sinon ? Celui de voir encore plus souvent qu’aujourd’hui de « Une » de ce type dans la presse : le dimanche 5 avril, Le Parisien a ainsi donné la parole à 4 hommes pour évoquer ce fameux « monde de demain ».

Au-delà de l’augmentation notable de certains salaires, nous devons d’ores et déjà anticiper l’après. À cette fin, de nombreux dispositifs d’aides professionnelles pour les femmes existent, en particulier destinés à l’entrepreneuriat, et ce dans un grand nombre de secteurs.

En voici quelques-uns repérés sur le site du ministère de l’Économie :

  • La garantie ÉGALITÉ femmes
  • Le prêt d’honneur Initiative France
  • Les Plans d’action régionaux pour l’entrepreneuriat des femmes (PAR)
  • Willa (ex Paris Pionnières)
  • Le Réseau EFOIR : « Entreprendre au féminin, Océan indien – Réunion »

Consulter les aides financières adressées aux femmes pour créer ou reprendre une entreprise

Que l’on veuille ou non, que l’on sache ou pas comment et quand, la crise que nous traversons (et que nous allons encore traverser dans les mois voire les années à venir) va considérablement transformer la société, notre vision, nos modes de travail, nos priorités, notre rapport aux autres…

S’il est encore trop tôt pour dire ce qu’il en sera une fois le virus éradiqué (espérons-le), c’est en revanche le bon moment pour réfléchir ensemble à la société dans laquelle nous souhaitons vivre ensuite. Au risque sinon de voir une fois encore les femmes être les principales victimes de la crise !

Comme le disait Winston Churchill : « Un pessimiste voit la difficulté dans chaque opportunité, un optimiste voit l’opportunité dans chaque difficulté. » Personnellement, j’ai envie d’être résolument optimiste et de voir dans la crise que nous vivons une véritable opportunité de changer la donne, de s’engager et de créer un nouvel environnement qui sera loin d’être parfait (il ne le sera jamais) mais qui aura au moins le mérite d’avoir être bâti par le plus grand nombre.

Et si, cette fois-ci, on changeait vraiment les choses ?

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