Le 7 mars dernier, à la veille de la journée internationale des droits des femmes, SKEMA Business School rendait public son observatoire de la féminisation des entreprises. Une initiative lancée en 2007 qui analyse l’évolution du pourcentage des femmes dans les effectifs, l’encadrement et les comités de direction des 60 plus grandes entreprises privées françaises (CAC40 et CAC NEXT 20). Il met également en avant le lien éventuel avec le taux de féminisation et la rentabilité des entreprises et l’évolution du cours de la bourse.
Un constat s’impose comme le rappelle, Alice Guilhon, directrice générale de SKEMA : dans les écoles de commerce, le pourcentage de filles est plus important que chez les garçons. Mais dans les carrières ensuite, les garçons évoluent plus et plus vite que les filles.
Idem dans l’enseignement supérieur qui compte peu de femmes à l’image de l’association Femmes dans l’enseignement supérieur qui ne compte que quelques membres.
Deux plafonds de verre et une enceinte
Voilà le constat que fait le professeur Michel Ferrary qui a dirigé l’observatoire. En effet, premier plafond de verre : on compte 36,04 % de femmes dans les entreprises et seulement 30,34 % dans l’encadrement. Deuxième plafond : on ne relève plus que 11,24 % de femmes dans les comités de direction !
Or, la population active intègre 48 % de femmes. Elles représentent aussi 39,76 % des cadres et professions intellectuelles et supérieures. Il existe donc un vrai mur d’enceinte à franchir pour parvenir au top management.
Une réelle différence sectorielle
Autre réalité : il existe d’importantes différences sectorielles : en effet, on observe très peu de femmes et de femmes cadres dans l’industrie (Airbus, Vinci…) et plus de 60 % par contre chez LVMH ou dans le secteur du luxe en général.
Résultat : ces dernières ont le problème inverse, à savoir recruter des hommes. Il existe une certaine bipolarisation sexuelle des entreprises !
Les entreprises dites masculines intègrent parfois aucune femme au sein du codir à l’image d’Airbus, Alstom ou Vinci. Toutefois, il est important de noter que ces entreprises sont en règle générale moins féminisées que les autres : Airbus possède moins de 10 % dans son encadrement.
Autre paradoxe : certaines entreprises comme Orange affichent une proportion de femmes au codir supérieur à la moyenne mais inférieur à cette moyenne dans l’encadrement.
Pour synthétiser : il y a 86 femmes parmi les 733 membres des comités de direction des 62 entreprises consultées, soit 11,73 % de femmes. Exception : Sodexo et L’Oréal qui incluent respectivement 6 et 5 femmes au sein de leur codir.
La féminisation des institutions de l’enseignement supérieur
Pour expliquer en partie ce gap au niveau de la représentativité des femmes dans les fonctions managériales, il faut se pencher sur leur place dans l’enseignement supérieur. En effet, les écoles d’ingénieurs accueillent en moyenne 24 % de filles – et même 16,7 % à Polytechnique – alors que les écoles de management sont paritaires avec 50 % d’étudiantes – HEC en intègre 45,92 % – selon la conférence des grandes écoles.
Même remarque concernant l’université les masters en sciences fondamentales et application ne comptent que 26,9 % de jeunes filles. Elles sont néanmoins 47,3 % en sciences multiples.
Des préférences professionnelles différentes entre les femmes et les hommes
On retrouve donc au sein des écoles un premier facteur explicatif par rapport à la féminisation des entreprises. En découle alors une préférence quasi « logique » quant aux choix des entreprises. Ainsi, dans les écoles de management, LVMH est l’entreprise préférée des filles et la troisième des garçons.
Dans les écoles d’ingénieur en revanche, L’Oréal est la 2e entreprise préférée des femmes et seulement la 42e des garçons. De même, si Peugeot apparaît le 89e employeur préféré des filles contre le 55e pour les garçons en école de commerce, en école d’ingénieur, c’est le 21e choix pour les garçons et le 37e pour les filles.
La discrimination dans les entreprises : l’indice d’inégalité
En fonction de la représentativité des femmes au sein de l’entreprise et au sein de leur encadrement, il est alors possible de calculer un indice d’inégalité. Objectif : « calculer » le taux d’évolution des femmes aux plus hautes fonctions de l’entreprise.
Ainsi, Schneider Electric apparaît comme l’entreprise la moins inégale avec un indice 0 : l’entreprise compte en effet 30 % de femmes… et 30 % de cadres féminins. À l’inverse, Carrefour, avec un indice 20, affiche un profond décalage entre ses 57 % de femmes dans ses effectifs et ses 37 % de cadres féminins. Il est intéressant surtout de comparer les entreprises d’un même secteur : on observe alors dans la banque que BNP Paribas – avec une épaisseur de plafond de 7,4 – est moins inégalitaire que la Société Générale dont le plafond de verre est plus important avec un indice de 16,18.
L’impact de la féminisation sur les performances
Pour conclure, il est essentiel de noter l’impact positif que le taux de féminisation des effectifs d’encadrement ont à la fois sur la rentabilité opérationnelle mais aussi sur la performance boursière des entreprises.
- L’impact de la féminisation de l’encadrement sur la rentabilité opérationnelle
Il existe donc une forte corrélation entre ces deux critères avec un coefficient de corrélation de 0,4492 : plus il y a de femmes dans l’encadrement, plus la rentabilité est bonne. Que peut-on en conclure ? Que la diversité permet d’élargir la taille du marché du travail et donc la probabilité de recruter des talents de meilleure qualité. De plus, la moitié des consommateurs étant des consommatrices, les femmes aident aussi à mieux comprendre les attentes clients. Résultat : la diversité des systèmes de représentation améliore les processus de décision et la créativité dans les organisations.
Plus il y a de femmes dans l’encadrement, plus la rentabilité est bonne.
La diversité se veut également vectrice d’une image positive de la marque en faisant preuve d’une réelle ouverture de l’entreprise à laquelle sont sensibles les parties prenantes : clients, pouvoirs publics, actionnaires, médias. La promotion de femmes managers constitue donc un facteur de motivation pour l’ensemble des femmes de l’entreprise. Malheureusement, les femmes étant encore moins payées que les femmes, si l’entreprise a beaucoup de femmes, cela joue aussi sur la rentabilité, notamment dans les banques !
- L’impact sur la performance boursière des entreprises
Comment est calculé ce critère ? Il repose sur le pourcentage de femmes dans l’encadrement en partant d’un seuil minimum de féminisation de l’encadrement de 35 %. Seuil fixé par le Femina Index. Pourquoi ? Il s’agit du minimum pour que le taux ait un impact sur le fonctionnement de l’organisation.
Au sein du CAC 40, 15 entreprises seulement comptent plus de 35 % de femmes cadres : Accor – Axa – Natixis – BNPParibas – Danone – Hermès -L’Oréal – LVMH – Sodexo -Kering – Publicis – Casino – Sanofi – Société Générale – Vivendi.
Plus 71 % de croissance entre 2006-2016 dans les entreprises féminisées
Le beta de ce portefeuille Femina Index est de 0,99 : il s’agit du risque que vous prenez par rapport à l’indicateur de référence.
Mais le résultat en termes de performances est véritablement significatif : ce portefeuille affiche une croissance de 17 % entre 2006-2011 et de plus 71 % entre 2006-2016. Vous superformez donc si vous montez un portefeuille de ce type ! La féminisation des effectifs d’encadrement est donc bel et bien un gage de performances pour votre entreprise à la fois sur le long terme mais aussi le moyen terme.
Prix de la féminisation et de la performance durable
Quelle est l’entreprise qui depuis 10 ans a superformé en bourse avec un fort taux de femmes dans l’encadrement ? Avec 59 % de femmes dans la population des cadres, 338,09 % d’augmentation du cours de la bourse entre 2006 et 2016 et un beta de 0,31, Hermès remporte ce prix ! En revanche, attention, s’il y a trop de femmes, la rentabilité diminue : tout se joue dans la mixité.