Bettina Rheims, Annie Leibovitz mais aussi Anna Atkins, auteure du premier ouvrage illustré de photographies, Frances Benjamin Johnston et Christina Broom, pionnières du photojournalisme, Dorothea Lange, Dora Maar, muse de Picasso et photographe, Gerda Taro, grande photographe méconnue parce que l’épouse de Robert Capa… La photographie ne manque pas de très grandes photographes. Pourtant, aujourd’hui encore, elles restent souvent dans l’ombre des hommes parce que beaucoup moins exposées… dans tous les sens du terme. Mais heureusement, certains photographes hommes n’hésitent pas à mettre les femmes en avant à l’image de Gaël Dupret, auteur photographe engagé pour l’égalité femmes – hommes.
J’ai eu la chance et le plaisir de rencontrer Gaël lors de l’évènement EQUALIciTY organisé par TEDxChampsÉlyséesWomen sur l’égalité femmes – hommes dans l’espace public. Et je dois avouer que cela fait du bien de voir que les hommes aussi s’engagent en faveur de la parité.
Un engagement que Gaël porte jusque dans ses photos.
Les femmes photographes largement sous-représentées
Récemment, Marta Gili, directrice du Jeu de Paume, reconnaissait dans Fish Eye Magazine que « le pourcentage de monographies dédiées à des créatrices, dans tous les domaines, variait il y a peu autour de 10 %. » Toutefois, au Jeu de Paume, sur les dix dernières années, le taux est passé à 45 %. Les choses évoluent mais lentement. Ainsi, ces dernières années, de nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer l’absence ou la très faible présence des femmes photographes aux Rencontres d’Arles.
Si les femmes photographes travaillent, pour la mode, la presse ou l’art, elles restent hélas largement sous exposées. Sur 3 426 photos publiées, 911 sont signées par des femmes. Pourtant 2/3 des étudiants dans les écoles de photos sont des femmes. (Données collectées entre 2015 et 2016 dans le cadre du hors-série du magazine Fisheye : « Femmes photographes une sous exposition manifeste »)
Écouter l’émission consacrée aux femmes photographes sur France Inter le 25 juin 2017
Il y a 2 ans, le musée de l’Orangerie et le musée d’Orsay se sont associés pour une exposition en 2 temps dédiée aux femmes dans la photographie : Qui a peur des femmes photographes ? Une initiative réussie qui avait pour but de mettre en avant les travaux de 75 femmes photographes depuis les débuts de la photographie à nos jours. Car oui, la photographie compte depuis son invention de très nombreuses et de très talentueuses femmes… Néanmoins, elles restent encore très largement dans l’ombre de leurs homologues masculins. Comme quoi, même en photo, la lumière n’est pas qu’une question de technique !
À une époque où les femmes souffrent encore cruellement d’un manque d’exposition avéré – les galeries d’art exposent en moyenne 20 % d’artistes femmes contre 80 % d’hommes –, Gaël nous présente sa vision de l’égalité… mais aussi son travail !
Les rendez-vous de l’égalité avec Gaël Dupret, auteur photographe
Gaël a bien voulu répondre à quelques questions en vidéo pour Les rendez-vous de l’égalité :
[Entretien]
Vous souhaitez en savoir plus sur son projet RED for Executive Women® ? Sur son engagement en faveur de l’égalité femmes – hommes ? Sur son regard en tant que photographe ? Gaël a également accepté de répondre à quelques questions ci-dessous. Tout ce que vous avez toujours voulu savoir de Gaël Dupret sans jamais avoir osé le lui demander ! Entretien.
Violaine Cherrier : Tu travailles aujourd’hui sur un superbe projet : RED for Executive Women®. De quoi s’agit-il ?
Gaël Dupret : RED for Executive Women® est un projet photo artistique composé de 100 portraits de femmes. Ce projet met en lumière des Executive Women : des femmes dirigeantes ou cadres dirigeantes qui ont réussi dans leur milieu professionnel, qui ont su s’imposer par leur travail, et qui ont su combattre leur plafond de verre.
Pensé le 5 octobre 2017 j’ai écrit le projet, sa stratégie marketing et communication en 3 jours et l’ai lancé officiellement le 9 octobre 2017. Dès le 11 octobre, je réalisais le 1er shooting avec le portrait de Cyrielle Hariel, journaliste et chroniqueuse. À la 2e semaine du projet, j’avais déjà 25 portraits réalisés. À la 4e semaine, 45 portraits étaient faits ou rendez-vous était pris, le site web a également été réalisé en 3 semaines par UnikWeb.
Le 1er tweet projet a été envoyé le jeudi 12 octobre. 48h plus tard, il a été vu 12 000 fois malgré un #redforexecutivewomen inconnu.
Le projet correspond à une époque de prise de conscience pour l’égalité des Femmes avec notamment le lancement du #EgaliteFH par Marlène Schiappa le mardi, soit le lendemain du lancement du projet, ainsi que de l’actualité comme l’affaire Weinstein ainsi que les #balancetonporc et #metoo. Mais cela ne suffit pas à créer l’engouement. Le fait de publier un témoignage, écrit par chacune des femmes, qui accompagnera le portrait tant sur le site, dans le livre et les expositions en France et à l’international confère au projet une dimension humaine et donne vraiment la parole aux femmes.
Pourquoi RED ?
Gaël Dupret : Pour qu’un projet puisse être fédérateur il faut un symbole, un fil d’Ariane fort. Entre l’envie du projet et le déclic d’avoir trouvé ce fil d’Ariane il m’aura fallu plus d’un an et c’est le 5 octobre 2017 que j’ai pensé à cette couleur rouge.
Le rouge est, à mon sens, l’une des couleurs les plus riches et les plus symboliques sur la gamme chromatique. Le rouge, c’est aussi les honneurs : le tapis rouge, la légion d’honneur… C’est également la couleur du danger : dans le milieu professionnel, la situation de la femme sera toujours plus fragile, plus en danger qu’un homme et ce même si elle a gravi tous les échelons hiérarchiques. C’est le rouge du sens interdit, de toutes les embûches que l’on peut mettre sur le chemin d’une femme pour l’empêcher d’évoluer dans sa carrière professionnelle. Enfin, le rouge, c’est aussi la passion. Mais à chacun sa vision du rouge : une des rôle models qui a posé est médecin et elle a associé le rouge au sang, très présent dans son métier mais aussi porteur de vie.
Comment as-tu choisi les 100 RED Executive Women® ?
Gaël Dupret : J’ai établi la première liste pendant l’écriture du projet, elle comportait des noms de femmes mais aussi d’entreprise qui pour moi sont symboliques mais dans lesquelles je ne connaissais pas obligatoirement des femmes y travaillant. Je pense notamment à l’AFP. En effet, à 8 ans déjà, je voulais travailler pour l’AFP car 1re agence de presse mondiale. C’était donc un clin d’œil à mon passé mais je n’avais aucune idée de qui pourrait être photographiée. Au final, c’est Marielle Eudes, la directrice Photo Monde de l’AFP Monde en personne qui a posé.
J’ai aussi intégré des entreprises telles que la SNCF ou Pole Emploi car il me semblait logique qu’elles en fassent partie. Puis j’ai cherché parmi certains secteurs comme le luxe : L’Oréal et Stella McCartney ont répondu positivement. Enfin, je souhaitais également des femmes issues d’associations féministes comme Led by Her.
Au fur et à mesure des rencontres et des portraits réalisés, les femmes qui posaient me proposaient des femmes, des profils que je ne connaissais pas. C’est ainsi que j’ai pu faire 100 portraits, découvert 100 femmes au parcours singulier. RED for Executive Women®, c’est ainsi plein de belles histoires et de rencontres.
Comment ont réagi les femmes et les entreprises que tu as contactées ?
Gaël Dupret : Le retour des participantes a été formidable : toutes semblaient honorées de participer au projet. Mais ce sont elles qui me font aussi l’honneur de leur participation comme Laura Flessel, la ministre des Sports, qui m’a ainsi accordé 1h30.
Et depuis octobre, où en est donc le projet ?
Gaël Dupret : Après 5 mois intenses, le 100e portrait a été réalisé le 19 février. Actuellement je finalise le site officiel afin de pouvoir présenter RED for Executive Women® le 6 mars sur les réseaux sociaux en présentant notamment les portraits et les textes de présentation écrits par les 100 Executive Women.
Je rentre dans la dernière phase du projet avant l’exposition : trouver le ou les mécènes ainsi que les lieux d’expositions en France, puis viendra le tour de trouver les lieux d’expositions à l’international.
Finalement, tu as atteint ton objectif fédérateur autour de RED for Executive Women® ?
Gaël Dupret : L’avenir le dira. Quand l’exposition sera présentée, que le public découvrira les photos et les témoignages des femmes et qu’il s’appropriera l’œuvre, alors à ce moment on pourra dire si j’aurai réussi mon objectif de fédérer autour de RED for Executive Women® et du combat pour l’égalité Femmes – Hommes.
En savoir plus sur RED for Executive Women®
Comment alors as-tu pris conscience des inégalités entre les femmes et les hommes ?
Gaël Dupret : J’ai 28 ans de presse, dont une grande partie en indépendant, j’ai réalisé un grand nombre de reportages dans les milieux politiques culturels et en entreprise. Je connaissais les inégalités salariales mais sans en avoir conscience, sans la vision du gouffre dont il s’agit réellement.
En travaillant en 2015 avec des organismes féministes. J’ai alors eu l’occasion d’assister à des conférences, à des tables rondes impliquant des femmes, à des forums tels que la Journée de la femme digitale, le Women’s Forum, le Jump Forum… À cette époque, je développais mes offres en tant que photographe notamment en portrait.
Benoît Duchatelet, Président Fondateur du réseau Opus in Fide, m’a alors proposé de photographier son épouse, Solange Doumic, grande avocate du Barreau de Paris et qui venait d’être lauréate d’un concours de femmes. Puis j’ai travaillé 3 ans pour ce concours. C’est ainsi que j’ai commencé à prendre conscience de la problématique de la place de la femme dans le milieu professionnel. Mon côté curieux et humain m’a alors amené à m’intéresser au sujet et, depuis 2015, je réalise des portraits de femmes et de cadres-dirigeantes.
Comment t’est venue l’envie de travailler sur l’égalité Femmes – Hommes ?
Gaël Dupret : En 2016, je continue mon travail auprès de ces associations et dans le milieu professionnel. C’est là que j’ai réalisé que, en tant que photographe, on peut faire bouger les lignes par la photo. J’ai toujours eu une vision militante de mon travail. M’est alors venue l’envie de travailler sur l’égalité femmes – hommes et de porter le discours sur la place publique grâce à mes photos. C’est ma manière de faire passer des messages : j’ai les compétences, j’ai un réseau de partenaires et de client-e-s avec plus de 80 % de femmes, j’ai un carnet d’adresses… J’avais donc à disposition tous les éléments pour le faire.
Sabine Weiss, la photographe qui l’inspire
Parmi les photographes qui ont inspiré et continuent d’inspirer Gaël aujourd’hui encore, Sabine Weiss occupe une place particulière. Née en 1924 en Suisse et naturalisée française en 1995, Sabine Weiss a notamment travaillé avec Robert Doisneau au sein de l’agence Rapho qui gérait également Willy Ronis. Reconnue dans le monde entier, elle est considérée comme une photographe humaniste grâce à ces photographies qui illustrent la condition humaine. À près de 94 ans, Sabine continue toujours d’arpenter les rues à la recherche de nouvelles photos à réaliser !
https://sabineweissphotographe.com
Quel message justement essaies-tu de transmettre par la photographie ?
Gaël Dupret : Ce qui m’a donné envie de faire ce métier, c’est ma toute 1re prise de conscience le du 2 juin 1982 : j’ai fait ma toute 1re pellicule couleur le jour du mariage de mon parrain. J’avais 5 ans ½ et je me suis alors fait la réflexion que « les grands faisaient la guerre et moi je voulais prendre des photos de guerre pour leur demander d’arrêter pour qu’ils prennent conscience de l’atrocité de la guerre et qu’ils arrêtent de la faire ». Je suis né avec un appareil photo dans les mains et j’ai toujours considéré la photo comme un acte militant, une arme qui peut faire bouger les lignes, changer les consciences. D’où mon goût pour le militantisme en photo. J’ai pris ma 1re photo de SDF à 14 ans !
Donc RED for Executive Women® est aussi un projet militant ?
Gaël Dupret : Tout à fait. Mon souhait est de pousser le projet RED for Executive Women® au-delà du simple triptyque : expo, photos et livre. C’est pourquoi une grande partie des bénéfices du projet seront réinvesties dans des projets sur l’égalité Femmes – Hommes en France et à l’étranger. C’est ça aussi mon côté militant ! Selon moi, le nerf de la guerre repose sur l’éducation et sur la culture. Sinon, on reste sur les anciens stéréotypes. Mon idée est ensuite d’aller faire des portraits de role models féminins dans d’autres pays. Et toutes sont très différentes.
Les 3 hashtags de Gaël pour 2018 ?
- #Imagine
- #EgaliteFemmeHomme
- #REDforExecutiveWomen
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