Les rendez-vous de l’égalité : Sylvie Roussel, responsable RH et chargée d’insertion de La Table de Cana Paris-Gennevilliers

Sylvie Roussel, Responsable RH et chargée d'insertion de La Table de Cana Paris-Gennevilliers

Dans le monde, les femmes représentaient en 2017 moins de 5 % des chef-fes étoilé-e-s (sur quelque 2 800 restaurants) et ne sont que deux dans le classement des World’s Fifty Best Restaurants. Et dans le célèbre guide Michelin ? Ce n’est guère mieux : aucune ne figure cette année parmi les lauréat-e-s 2018 distingué-e-s d’une 2e ou 3e étoile. Et si une « 1re étoile » a bien attribuée à 2 femmes, elles récompensent en réalité… 2 couples. On est donc encore très loin de la parité derrière les fourneaux, que ce soit à la maison ou à la ville. Pourtant, depuis plus de 30 ans, La Table de Cana fait de la restauration un engagement en faveur de l’insertion, notamment vis-à-vis des femmes. Les rendez-vous de l’égalité, Sylvie Roussel, Responsable RH et chargée d’insertion de La Table de Cana Paris-Gennevilliers.

Les femmes absentes des cuisines ? Pas vraiment. En effet, si, à la maison, elles s’acquittent aujourd’hui encore de 80 % des tâches ménagères environ, cuisine incluse, elles sont également de plus en plus présentes dans les cuisines des restaurants !

2 femmes honorées par le Guide Michelin 2018… avec leurs maris !

Le Guide Michelin 2018 a rendu son verdict : seules 2 femmes ont obtenu une 1re étoile… en même temps que leurs associés et compagnons ! Il s’agit de :

  • Kwen Liew et son compagnon Ryunosuke Naito du restaurant parisien Pertinence
  • Et de Mi-Ra-Kim et Charles Thuillant à la tête de l’Essentiel à Deauville

Mais à l’image d’autres secteurs d’activité – comme le cinéma, le numérique…  –, elles souffrent d’un vrai manque de visibilité et, donc, de reconnaissance. Toutefois, la situation évolue dans le bon sens.

Des femmes cheffes (un peu) plus mises en avant

Le succès des émissions culinaires ces dernières années – Top Chef, Master Chef, Le Meilleur Pâtissier – a eu un effet favorable sur la notoriété de certaines femmes cheffes : Hélène Darroze, Ghislaine Arabian mais aussi la blogueuse et critique culinaire Mercotte. Sans oublier certaines anciennes candidates comme Fanny Rey ou même lauréates comme Anne Alassane qui aujourd’hui ont réussi.

Fanny Rey, ancienne candidate de Top Chef et cheffe de L’Auberge de la Reine Jeanne à Saint-Rémy-de-Provence, a été élue « femme cheffe de l’année 2017 ». Elle est aussi la seule femme à avoir obtenu une étoile au Guide Michelin 2017.

La parité dans les écoles de cuisine

Alors, les choses seraient-elles en train de changer ? L’espoir est permis. Ainsi, Michael Ellis, directeur international des guides Michelin n’hésite pas à souligner le fait que les femmes sont de plus en plus présentes dans les écoles et dans les cuisines : « Elles ne sont pas forcément des cheffes de cuisine, mais à mon avis c’est une question de temps avant qu’elles soient plus nombreuses à le devenir ».

Le Guide Michelin a donc récemment confié à Anne-Sophie Pic, seule femme à avoir décroché les prestigieuses trois étoiles en France, un rôle de « marraine » pour conseiller les nouvelles premières étoiles. Malheureusement, elle aura très peu de travail en 2018 !

Et c’est un paradoxe car la parité est atteinte dans de nombreuses écoles de cuisine. Pire, les femmes y sont parfois majoritaires… Mais la situation s’inverse dès lors que la position en cuisine tend vers le haut… exactement comme au sein des entreprises. On confie aux hommes les cordons de la cuisine comme on leur confie ceux de la bourse !

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En 2017, on comptait ainsi :

  • 60 % de femmes à l’école Le Cordon Bleu
  • 50 % de femmes à l’école Ferrandi
  • Dans les formations post-bac de l’école Ferrandi, on comptait ces dernières années 48 % de jeunes femmes en CAP, 52 % en BTS et 46 % dans la formation Bac +3.

Les rendez-vous de l’égalité avec Sylvie Roussel

Après 25 ans passés dans le secteur bancaire, Sylvie Roussel rejoint La Table de Cana Paris-Gennevilliers. Portée par cet engagement fort, elle en est aujourd’hui la responsable RH et la chargée d’insertion depuis 2 ans et demi.

Voir l’interview Égalité de Sylvie Roussel :


Pouvez-vous présenter La Table de Cana et en particulier celle de Paris-Gennevilliers ?

Sylvie Roussel : La Table de Cana est un réseau de 9 entreprises d’insertion sur le territoire français qui partagent les mêmes valeurs et nous sommes liées par une association nationale qui, depuis une trentaine d’années, aide à définir le label Table de Cana. La Table de Cana Paris-Gennevilliers existe depuis 20 ans et intègre 3 laboratoires :

  • Cockt’Elles, spécialisée dans la fabrication de cocktails et compléments dînatoires ; ce laboratoire est composé uniquement de femmes
  • LTBS, Le Traiteur des Boucles de Seine qui réalise des prestations pour des institutionnels ou des personnes privées
  • La Chocolaterie, laboratoire que nous développons autour d’un chocolat bio et équitable fait maison, que nous vendons directement et également via notre nouvelle boutique parisienne

La Table de Cana en chiffres

  • 30 ans d’expérience
  • 260 salariés en insertion par an
  • 1er réseau national de traiteurs engagés
  • + 60 % de retour positif à l’emploi
  • 120 postes ETP en insertion chaque année
  • 10 formations vers des métiers porteurs

En savoir plus sur La Table de Cana

Quelle est votre spécificité ?

Sylvie Roussel : Nous sommes un traiteur engagé et gourmand. En tant qu’entreprise d’insertion, nous embauchons des personnes éloignées de l’emploi qui ont des freins socio-professionnels et que nous aidons à repartir sur le marché de l’emploi. Nous sommes donc engagés au niveau de l’emploi mais aussi plus globalement sur la qualité des produits que nous travaillons. Des produits faits maison qui sont équitables, locaux et frais même si cela n’est pas toujours facile en Île-de-France selon les saisons (bio lorsque possible).

La Table de Cana Paris-Gennevilliers est l’une des 9 entreprises membres du réseau national La Table de Cana :

La Table de Cana Paris-Gennevilliers en chiffres

20 ans de formation et d’accompagnement pour un retour à l’emploi de chacun

  • 1 million de repas servis
  • + de 10 000 clients servis
  • Un accompagnement après le départ de La Table de Cana Paris-Gennevilliers qui peut durer jusqu’à 2 ans
  • 1 salarié permanent pour 3 salariés en insertion
  • 351 € HT de chiffre d’affaires finance 1 heure de travail d’un salarié en insertion (environ 1 million d’€ de chiffre d’affaires par an pour 24 emplois en moyenne)

En savoir plus sur La Table de Cana Paris-Gennevilliers

Vous travaillez actuellement sur le projet Des Étoiles et des Femmes : de quoi s’agit-il ?

Sylvie Roussel, Responsable RH et chargée d’insertion de La Table de Cana Paris-Gennevilliers

Sylvie Roussel : C’est un projet porté à l’origine par La Table de Cana Marseille depuis 5 ans sur une idée originale d’Alain Ducasse. Aujourd’hui, le projet est également repris par les structures de La Table de Cana de Bordeaux, Montpellier et Paris-Île de France. Objectif du projet Des étoiles et des femmes : mener 12 femmes issues de quartiers prioritaires villes ou de quartiers sensibles avec des problématiques socio-professionnelles vers le CAP Cuisine. CAP Cuisine que ces femmes iront effectuer chez des chef-fes étoilé-e-s ou gastronomiques.

Nous venons juste de lancer le projet sur Paris Ile-de-France. Notre cheffe de projet Julia Roye, qui vient d’arriver, mène en parallèle différents sujets : recherche de financement (public et public) , de l’école où le CAP sera effectué, les chef-fes partenaires, les organismes socio-professionnels – pour aider à lever les freins quant au logement, la garde d’enfants, la maladie, la transport… – et professionnels tels que Pole Emploi, Cap Emploi, les missions locales, toutes les boutiques de gestion ou les structures d’emploi dans les mairies ainsi que les espaces Insertion dans les Hauts-de-Seine (92).

Le recrutement sera ensuite effectué en mai-juin. Puis fin juin, la vingtaine de femmes sélectionnées participera à 1 semaine de coaching à travers des jeux de rôle, des mises en situation… Enfin, nous en garderons 12-13 qui commenceront leur CAP en septembre.

La Table de Cana Paris-Gennevilliers, c’est aussi :

  • 70 % des salariés sont des femmes
  • 90 % ont un niveau inférieur au brevet des collèges
  • 1/3 des salariés viennent des quartiers prioritaires
  • 2/3 des salariés sont en parcours d’insertion
  • 60 % des salariés en insertion accèdent au marché de l’emploi (CDI, CDD, formation professionnalisante)
  • 350 emplois créés depuis 1995
  • Au moins 1 personne sur 2 est encore à l’emploi 2 ans après leur parcours à La Table de Cana Paris-Gennevilliers

En savoir plus sur le projet Des Étoiles et des Femmes

Vous êtes la 100e et dernière femme à poser dans le projet RED for Executive Women® réalisé par Gaël Dupret. Pourquoi avez-vous accepté ?

Sylvie Roussel : Je l’ai pris comme une opportunité de faire connaître notre projet et notre belle entreprise en lesquels je crois. Comme les projet « Des Étoiles Et Des Femmes » permet de mettre des femmes en avant et agit ainsi sur la  non-discrimination, il correspond parfaitement à mes convictions personnelles et aux valeurs et engagements de La Table de Cana.

Quel regard portez-vous justement sur RED for Executive Women® ?

Sylvie Roussel : J’ai peu de recul mais je le trouve très novateur. Venir voir des femmes sur leur lieu de travail, ce n’est pas de la théorie, on est dans la réalité du terrain ! En parler, c’est bien mais venir sur le terrain pour l’imager et montrer concrètement comment ça se passe, c’est autre chose. Être factuel est toujours plus parlant. Surtout lorsque l’on parle de remettre des personnes à l’emploi et en particulier des femmes pour lesquelles nous sommes les seuls à faire confiance. C’est très fort ! Donc ce projet RED est très fort aussi.

Les 3 hashtags de Sylvie pour 2018 :

  • #Engagement
  • #Egalitedeschances
  • #Bonnehumeur

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